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Chronique #2 : Quelques mots sur les prochains articles (et sur le narrateur).
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- Le 07/10/2015
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Quelques mots sur le narrateur
Pour le deuxième article de cette série (débutée sur ce blog voilà quinze jours), il m'a semblé intéressant de préciser à la fois les thématiques que j'aborderai dans les prochains billets, mais aussi de souligner la particularité du narrateur que je suis : un pianiste qui joue devant (et pendant) la projection sur grand écran de films muets. Ainsi, bien que n'étant ni critique musical, ni critique cinématographique, je serai pourtant amené à m'exprimer ici sur le cinéma et la musique, ces deux domaines pleinement constitutifs du Ciné Concert que je me plais à considérer comme genre artistique à part entière.
Afin de rester solidement ancré dans ce registre de musicien - cinéphile qui est le mien, je ne chercherai donc pas à découvrir et dévoiler une définition du Ciné Concert qui serait idéalement (et éternellement) fixée dans le cosmos incorruptible des idées. Il s'agira plutôt d'écrire les impressions, réactions ou réflexions que je suis amené à vivre « de l'intérieur », et qui se cristallisent depuis le piano, pendant que les images défilent sur l'écran blanc des salles obscures. En procédant à partir de cette démarche « en train de se faire », je souhaite donc poser des mots sur cette expérience, selon la prudente méthode péripatéticienne qui résout les problèmes tout en cheminant…
Pour éviter également l'effet « journal intime », ces billets seront ordonnés selon plusieurs axes qui sont le cinéma muet, la musique vivante, le lien entre les deux, et bien sûr la question (dépassant le cadre du Ciné Concert) qui concerne la présentation d'une œuvre du patrimoine à un public qui par définition, a cessé de lui être contemporain.
Quelques mots sur les articles
Je développerai prochainement la proposition (rapidement évoquée dans le précédent billet) d'une lecture de l'Aurore de Murnau, qui m’apparaît toujours plus fortement à travers le crible de la mythologie grecque (considérée comme possible écrin mental pour sa réception). En effet, cette approche que j'avais intégrée à la préparation du Ciné Concert à la Cinémathque de Tours (donné voilà une dizaine de jours) s'est installée dans son évidence au cours de cette présentation publique. Et notamment lorsqu'il s'est agi d'articuler musicalement les gigantesques ruptures dramaturgiques (du sublime au grotesque et retour au sublime) présentes dans le film.
Mais je m'attacherai aussi sur ce site à répondre régulièrement et de manière approfondie aux questions des spectateurs qui émaillent les différents Ciné Concerts. Des questions dont j'apprécie souvent la richesse, la profondeur et la pertinence : issues d'angles de vues multiples, elles se nourrissent de l'acuité des impressions ressenties dans ces moment privilégiés de l'immédiat après film. Elles demeurent malheureusement bien souvent sans réponses véritables, le sujet étant complexe, le temps compté, et le musicien plus vraiment en état ! Et pourtant, combien souvent ces questions entrent en écho avec mon propre cheminement.
C'est d'ailleurs la permanence de certaines de ces questions de « fin de séance » qui a été un des motifs principaux du démarrage de ce projet d'écriture régulier. En effet, si ces questions issues de publics si différents (que ce soit par l'âge, la culture, le pays…) se répètent c'est qu'elles n'ont assurément pas trouvé réponse ailleurs.
Certaines concernent la musique : « jouez-vous la musique d'époque ? », « vous inspirez-vous d'autres musiques », « est-ce que vous improvisez ? », « combien de temps faut-il pour faire une musique pour un film tel que Metropolis ? », « à quoi sert la musique sur un film muet ? », « vous appuyez-vous sur le travail de ciné concertistes qui vous ont précédé ? »...
D'autres font référence au cinéma : « quelles ont été les influences de Murnau ? », « comment se fait-il que l'on puisse se passer de paroles », « comment de telles cascades étaient-elles possibles (concernant le burlesque notamment) ? », « qui a inventé le cinéma ? », « quel a été le premier film », « Est-ce que Chaplin a rencontré Keaton ? »…
Et puis il y a la description de ces sensations nouvelles, sans cesse redécouvertes à chacune des séances par ces publics différents : l'impression soudaine que les acteurs renaissent à la vie, ou que l'on a « vu » ce que les gens disent, faute de l'entendre, ou bien l'oubli complet de ma présence comme musicien de chair et d'os dans ce monde d'ombres animées…C'est d'ailleurs cette dernière remarque, (revenant constamment de la part de publics différents et qui pour la plupart ne se connaissent pas) qui sera l'objet du prochain article.
En concluant je m'aperçois que ce qui surgit de ce texte (et au-delà d'un projet régulier d'écriture), c'est finalement le désir d'offrir une passerelle qui permette de relier une communauté d'esprit située de Barcelone à Méknès en passant par Paris, Poitiers, La Rochelle, Tours, Châtellerault ou Vilnius, et dont les membres ont en commun d'avoir partagé l'instantané d'un de mes Ciné Concerts.
Et ainsi grandir ensemble : « [….] Cette tension intérieure doit s'atténuer, se faire plus humaine dès qu'on a trouvé le rôle, il faut prendre appui sur les spectateurs, il faut leur faire confiance, il faut les aimer ».
Louis Jouvet, le comédien désincarné, Paris Flammarion – 1954
Prochain article vers le 20 octobre