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Chronique #1 : Ciné Concert L'Aurore de Murnau, "les retrouvailles"
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- Le 22/09/2015
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Cinémathèque de Tours - 28 septembre 2015 - Annonce Presse
Voilà un billet à l'attention de ceux d'entre vous qui n'ont jamais vu l'Aurore de Murnau, ou bien qui n'ont pas vu ce film depuis longtemps, ou au contraire ont envie de le revoir tout de suite. Mais aussi pour ceux qui, à l'heure du DVD, n'ont pas encore eu l'occasion de recevoir, à travers le grand écran d'un cinéma, le choc des images animant « le plus beau film du monde », comme aimait à le qualifier François Truffaut.
Et qui serais-je en oubliant la question du Ciné Concert ? Lui dont une des particularités (quand tout fonctionne) est d’entrouvrir les portes du temps par le moyen de la musique contemporaine, musique qui de plus s'associe charnellement au vécu du spectateur, par la simple dimension vivante de son accouchement dans l'instant.C'est avec plaisir que je vous annonce que j'accompagnerai l'Aurore de Murnau (USA – 1927 – 95') au piano solo, lors de la soirée d'ouverture de la Cinémathèque de Tours le lundi 28 septembre 2015 à 19h30. Et à l'heure où j'écris ces lignes pour préparer la séance, je me situe simultanément dans trois des six catégories de spectateurs décrites plus haut : j'ai déjà vu l'Aurore, j'ai vu ce film sur grand écran, et ce lors de plusieurs Ciné Concerts (particuliers certes, car je les accompagnais depuis le piano).
En guise de présentation, je voudrais simplement partager quelques unes des impressions de ce spectateur particulier que je suis, impressions qui n'ont pas manqué de naître par ce nouveau contact avec les images.Tout d'abord un sentiment. Celui d'impuissance en constatant le décalage existant entre ce que je peux percevoir du film, les mots que j'ai pour le dire, et ce que ce film est vraiment. Il me manque (entre autres) l'expérience du prochain Ciné Concert, devant le public et par l'intermédiaire du piano, pour en apprendre davantage. Me viennent soudainement en tête les mots de Bernard Gavoty qui, à l'issue des trois cent pages qu'il avait consacrées au pianiste Alfred Cortot, et au moment d'établir une discographie commentée, ne pouvait s'empêcher de constater son impuissance en nous avouant : « Tout à coup, je mesure la distance confondante entre une Étude de Chopin jouée par Cortot et la description extasiée qu'on en peut faire ». Alors juste quelques mots, qui ont pour excuse de n'être que les reflets de l'instantané d'un moment, celui où l'alchimie musicale se prépare, et comme nécessité de partager l'attente de ce moment à vivre ensemble.
L'Aurore, est pour moi avant tout un étonnement. L'étonnement sur la capacité qu'a Murnau à filmer une histoire non pas à travers « l'extériorité » de ses personnages, mais plutôt par ce qu'il parvient à nous montrer de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils ressentent et plus incroyable encore, mais c'est là une des magies du cinéma muet quand il est habité par un tel maître, il nous permet d'entendre « ce qu'on les voit entendre ».
On ne peut non plus passer sous silence la déroutante participation des jeux d'ombre et de lumière ainsi que des différents décors (la campagne et la ville, et entre eux deux le lac et sa barque, la forêt et son tram...) comme éléments vivants subtilement intégrés à ces hommes et ces femmes, dont l'humanité ainsi élargie porte en elle la nature entière, naturelle ou fabriquée. Troublant écho au panthéisme flamboyant des Dieux et du cosmos de l'ancienne Grèce.
Je renvoie ensuite au livre de Charles Jameux (Murnau, éditions cerf-corlet, collection 7° Art), quand il évoque notamment la vision cyclique du temps portée par le film, nous donnant la sensation que « partis du temps du mythe, ayant actualisé le drame au niveau du vécu sensible, nous rejoignons de nouveau le mythe avec le temps retrouvé, lorsque l'Aurore parait ».
Et impossible de terminer sans signaler l'indispensable documentaire de Jean Douchet, vraiment incontournable pour prendre conscience à quel point l'Aurore est œuvre d'une volonté quasi surhumaine, et qui a pour moteur une prodigieuse intelligence.
Retour à la musique donc, et merci Monsieur Murnau pour cette « Aurore ».
"Cette histoire de deux humains,
Ce chant de l'homme et de la femme est de nulle part et de partout,
On peut l'entendre n'importe où et n'importe quand.
Partout où le soleil se lève et se couche,
Dans le tourbillon fou de la ville
ou à la ferme.
Avec le ciel en guise de toit,
La vie est toujours la même,
Parfois amère, parfois douce.